Vice Caché sur véhicule ancien ou d’occasion, la nécessité d’effectuer une ou plusieurs expertises précises contradictoires, procédure abusive définition et sanctions

Les vices cachés sur un véhicule ancien ou d’occasion : la nécessité d’une ou plusieurs expertises précises (contradictoire). | Emmanuel ABI KHALIL – Avocat

Rappel du Droit civil :
La notion de vice caché est définie par l’article 1641 du code civil :
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».


On dégage habituellement 3 critères pour caractériser un vice caché :

  • Le défaut doit être un défaut caché, c’est-à-dire non apparent lors de l’achat,
  • Le défaut doit rendre le bien inutilisable ou diminuer très fortement son usage,
  • Le défaut doit exister au moment de l’achat.

Pourtant, sur un véhicule ancien, un défaut peut être invisible à l’achat, rendre le véhicule inutilisable, et avoir pour origine un phénomène existant déjà au moment de la vente, sans pour autant constituer un vice caché.
En effet, une distinction moins souvent rappelée mais pourtant déterminante trouve à
s’appliquer particulièrement aux véhicules anciens ou d’occasion :
La jurisprudence a toujours distingué le vice caché, du défaut relevant de l’usure normale.


En pratique, il en découle deux choses : d’une part la qualification de vice caché est réservée aux défauts dus à une conséquence autre que la seule vétusté, et d’autre part le juge saisi d’un tel cas doit être suffisamment éclairé sur l’origine du défaut pour pouvoir se prononcer.
De nombreuses jurisprudences illustrent ces principes :
Cour d’appel, Nouméa, Chambre civile, 30 Avril 2015 – n° 13/00366 :
« Attendu que si la garantie contre les vices cachés s’applique aux choses neuves ou d’occasion, la jurisprudence rappelle régulièrement que le principe de la prévisibilité de certains défauts, même d’une certaine gravité, est l’une des caractéristiques essentielles des véhicules d’occasion.

Attendu qu’ainsi, pour les biens d’occasion, l’acheteur ne peut s’attendre à en retirer le
même usage ou à profiter des mêmes qualités que si le bien avait été neuf
, car des défauts peuvent apparaître, alors qu’ils ne sont dus qu’à l’usure ou à la vétusté »


Cour d’appel, Poitiers, 1ère chambre civile, 29 Mai 2018 – n° 16/03501 :
« La notion de vice caché suppose un défaut de fabrication ou de conception inhérent à la chose vendue ou à l’un de ses éléments d’équipement.
L’usure normale d’une pièce à la durée de vie limitée n’est pas constitutive d’un vice caché.
»


Cour d’appel, Rennes, 2e chambre, 17 Mars 2017 – n° 14/01561 :
« il n’est pas démontré que le remplacement de ces accessoires ne résulte pas de l’usure normale d’un véhicule d’occasion âgé au moment de la vente de 9 ans et ne constitue pas des frais auxquels l’acquéreur peut s’attendre en raison de l’ancienneté du véhicule. »


Ainsi, une panne provenant de l’une des très nombreuses pièces qui nécessitent d’être remplacées à plus ou moins long terme (entretien, maintenance, pour ne pas dire obsolescence programmée …) ne permettra pas forcément d’agir pour vice caché contre le vendeur, quand bien même le problème aurait été invisible, grave et aurait trouvé son origine antérieurement à la vente.
Amortisseurs, embrayage, filtres, disques de frein, démarreur, alternateur, batterie… autant d’éléments pour lesquels il ne suffira pas de démontrer les trois critères habituellement rappelés.


L’acquéreur devra nécessairement prouver que la panne est due à un défaut imprévisible de fabrication, de conception, d’utilisation ou d’entretien antérieur à la vente, et non à la seule vétusté.
Il sera sinon considéré que les réparations sont des frais auxquels l’acquéreur pouvait normalement s’attendre en raison de l’ancienneté du véhicule.
Pour se faire, il est indispensable que l’expertise contradictoire, amiable ou judiciaire, fasse état de l’origine du défaut ou de la cause de la panne de façon précise et ne se contente pas de la constater.
Dans le cas contraire, le juge n’hésitera pas à rejeter la demande de garantie puisqu’il ne pourra pas se prononcer sur la question de savoir si le défaut résulte d’une usure normale et prévisible ou d’un dysfonctionnement anormal constituant alors un vice caché.


A titre d’exemple, la Cour d’appel de Rennes a jugé dans un tel cas que :
« Force est ainsi de constater que l’expertise n’explique nullement en quoi la préconisation de remplacement de l’embrayage ne relève pas de l’usure normale du véhicule. […] »

S’agissant du filtre à particule, si l’expert a constaté sa surcharge et la nécessité de procéder à son remplacement, il n’explique nullement en quoi cette nécessité présenterait un caractère anormal au regard de l’âge et du kilométrage du véhicule.
« Il n’est ainsi pas démontré que les travaux préconisés par l’expert ne constituent pas des
frais auxquels l’acquéreur peut normalement s’attendre en raison de l’ancienneté du
véhicule.
» Cour d’appel, Rennes, 2ème chambre, 15 Mars 2019 – n° 15/08303


Afin de mobiliser la garantie pour vice caché, il est donc indispensable pour l’acquéreur
de prouver par un rapport d’expertise précis que le défaut ne résulte pas de l’usure
normale.

Procédure abusive : Définition et sanctions :

Par Kahina KHADRAOUI, Publié le : 28/05/2024

Agir en justice est un droit (art. 30 du Code de procédure civile) ouvert à toute personne qui est sujette à un litige. Néanmoins, le demandeur qui abuse de son droit d’agir en justice peut être sanctionné par une amende civile de 10 000 euros (art. 32-1 du Code de procédure civile) et des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.


Qu’est-ce qu’une procédure abusive ?
La procédure devient abusive lorsque celui qui introduit la demande abuse de sa liberté d’agir en justice pour régler un litige.
Le principe de la liberté du droit d’agir en justice
Toute personne a le droit d’être entendue sur le fond d’une prétention (art. 30 du CPC).
C’est le droit d’agir en justice qui est en principe libre.
Cela signifie que personne ne peut être forcé à agir ni empêché de le faire et personne ne peut être sanctionné pour l’avoir fait. En revanche, il y a des conditions de recevabilité de l’action en justice (v. art. 31 du CPC) destinées à encadrer les actions afin d’éviter des démarches abusives ou dilatoires qui ne seraient pas légitimes.

Le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale fondée sur l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (v. en ce sens Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-21.875).


La définition d’une procédure abusive :
Une procédure abusive fait référence à l’abus du droit d’agir par son titulaire. Il peut s’agir d’un recours abusif ou dilatoire. Il n’y a pas de définition exacte, mais il est acquis qu’elle résulte d’un comportement fautif et d’un manque de diligences de son auteur.


Qu’est-ce qu’un recours abusif ou dilatoire ?
Un recours peut être abusif lorsque l’une des parties est de mauvaise foi et ne cherche qu’à nuire à son adversaire, bien que ces critères ne soient pas à démontrer, un simple comportement fautif suffit. Il est qualifié de dilatoire lorsqu’il a pour seul objectif de faire durer la procédure sans que cela ne soit nécessaire. Autrement dit, il vise à faire retarder l’issue du procès.


Quand est-ce qu’un recours devient abusif ?

Un recours devient abusif lorsqu’il vise à nuire à l’adversaire*. L’abus peut provenir tant du défendeur (celui contre qui a été introduite la demande initiale) que du demandeur (celui qui introduit la demande). L’abus peut également être constitué en appel (voie de recours).
*Il n’y a pas de définition ou de critère précis. La jurisprudence évolue, et il semble
que la preuve de la mauvaise foi ou de l’intention de nuire ne soit plus exigée (v. Rapport
annuel, Cour de cassation, 2006, p. 550).
Mais, il est acquis que les juges doivent caractériser la faute commise dans le droit d’agir (Cass. civ. 2, 19 novembre 1986, n° 85-14.941 ; Cass. soc., 9 juin 2004, n° 02-46.348 ; Cass. civ. 2, 6 mars 2003, n° 01-00.507).


L’abus du recours en demande ou en défense :
L’abus du recours peut tant résulter de la demande en justice que des moyens de défense avancés par l’adversaire.
En ce sens, par exemple, une partie qui laisse se dérouler la procédure sans faire connaître sa véritable situation témoigne d’une attitude constitutive d’un abus de droit d’agir en défense (Cass. civ. 2, 16 juin 1993, n° 91-20.203).
Le seul fait d’être débouté d’une de ses demandes ne constitue pas un abus.


L’abus des voies de recours :
L’abus des voies de recours est sanctionné au même titre que l’abus du droit d’agir :
En cas d’appel dilatoire ou abusif, l’article 559 du Code de procédure civile prévoit une amende civile allant jusqu’à 10 000 euros.
Pour un pourvoi en cassation, l’article 628 du Code de procédure civile pose la même sanction.


Quelle différence entre recours abusif et résistance abusive ?
La différence entre le recours abusif et la réticence abusive se situe au niveau qui est
directement rattaché au droit d’agir en justice (v. art. 30 et s. du CPC).
La résistance abusive fait référence au comportement d’un débiteur qui refuse d’exécuter son obligation (v. art. L. 121- 3 du Code des procédures civiles d’exécution et Cass. civ. 2, 28 octobre 1999, n° 97-12.734).


Quelles conséquences en cas de procédure abusive ?
En cas de procédure abusive, et à condition que l’abus dans le recours soit prouvé par celui qui l’invoque ; la conséquence aboutit à ce que son auteur sera condamné à une amende civile pouvant aller jusqu’à 10 000 euros et peut également être astreint à des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (art. 32-1 du CPC).


Quelles sanctions en cas de recours abusif ?
En cas de recours abusif, en première instance*, en cour d’appel ou devant la Cour de cassation, l’auteur s’expose à une double série de sanctions :
*La première instance fait référence au premier degré de juridiction. En matière civile
vous y retrouvez notamment le Tribunal judiciaire.

  • Une amende civile ;
  • Des dommages et intérêts.
    Il ne faut pas confondre les sanctions en matière de procédure abusive avec la condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, à régler tous les frais non compris dans les dépens. Cette dernière n’est pas une sanction, mais une conséquence de la procédure.
    L’amende civile de 10 000 euros
    L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose qu’en cas de procédure dilatoire ou abusive, l’auteur s’expose à une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros. La sanction est la même en cas d’abus des voies de recours (art. 559 et 628 du CPC).
    Les dommages et intérêts
    En plus de l’amende civile, l’auteur d’un recours abusif s’expose à une sanction en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (art. 32-1 du CPC et v. Cass. civ. 1, 25 février 1986, n° 84-14.208).
    Cette sanction suppose de rapporter la preuve d’un fait générateur fautif d’un dommage subi et d’un lien de causalité entre les deux (v. art. 1240 s. du Code civil).
  • Comment prouver un appel ou un recours abusif ?
    C’est à la partie qui invoque l’abus dans le recours ou l’appel de prouver la faute.
    S’agissant d’un fait juridique, la preuve peut être rapportée par tous moyens (art. 1358 du Code civil).

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